Déconfiné

6h : putain de réveil.

6h30 : bon je me lève. j’avale deux tartines, les 3 pilules réglementaires de vitamines et de propolines, je suis à la bourre, j’enfile mon masque FDP2 et je trace. demi tour, j’ai oublié mon putain de téléphone. sans ça j’irai pas bien loin. rien que pour prendre l’ascenseur, il y a leurs fichus qrcode.

6h45 : premier barrage, premier contrôle de la journée. la routine, prise de la température, vérifications des justificatifs de travail, les résultats de la dernière prise de sang. vu qu’un smartphone a été filé à chaque personne autorisée à se déplacer, les attestations de déplacement sont inutiles et les contrôles par bluetooth rapides. les flics savent déjà tout avant même de vous adresser la parole.

7h00 : je monte dans le bus. validation du ticket par qrcode. une personne, un siège vide, une personne, un siège vide… même si le port du masque est obligatoire et que tout le monde est testé, contrôlé plusieurs fois dans la journée, sait on jamais l’épidémie pourrait repartir… je regarde autour de moi, comme d’hab, des personnes entre 16 et 40 piges. les plus jeunes étudient à la maison, les plus vieux sont considérés à risque et encore confinés.

7h30 : j’arrive pour l’embauche, à la gare d’alés. hé nan je suis pas cheminot. la production de textile, de médoc, d’ingénierie médicale, bref les ressources stratégiques du moment ont été relocalisées. le hic, c’est que les zones ou les premières machines ont été installées ont subi peu de temps après une vague d’épidémie. vu que les trains de passagers ne circulent plus, des unités de fabrication ont été montées sur rail et se déplacent dans les régions ou l’épidémie se calme. aujourd’hui, c’est pour notre poire, ça fait quelques semaines que le nombre de contamination s’est tassé dans les cévennes. dès qu’on peut, on relance la production, on l’arrête dès que les chiffres des épidémiologistes s’affolent et on déplace tout l’attirail dans une région moins touchée. confinement/déconfinement rotatif par région et par tranche d’age, c’est comme ça qu’ils ont appelé ça.

7h32 : une ambulance passe à toutes berzingue. les hôpitaux tournent à fond. le système de soin est séparé en deux, la section covid et le reste. vu que ça encaisse le nombre de malade en réanimation et que le nombre de décès est en dent de scie, ça roule. enfin surtout les ambulances.

7h40 : putain je m’en grillerai bien une. le truc c’est que la consommation de tabac vous vaut un malus sur votre compte d’assurance maladie. ça peut vous faire perdre votre job. et ça diminue votre taux de remboursement en cas de pépin.

7h45 : j’entre dans le wagon de tête. c’est celui ou l’on pointe, ou l’on se désinfecte et ou on enfile les combis. après avoir scanné le qrcode qui fait office de pointeuse, mon numéro de wagon m’est attribué. l’industrie nationale respecte scrupuleusement les règles de distanciations sociale : un ouvrier, un wagon !

8h : j’entre dans le wagon après que le signal de désinfection automatique se soit éteint. l’équipe de nuit s’est arrêté à 7h30, les wagons sont pulvérisés à la javel avant que l’équipe de jour ne prenne la relève. tout le matos est là, de quoi faire une dizaine de réparateurs artificiels.

9h37 : bip bip alerte covid alerte covid ! je regarde mon smartphone. l’appli me signale que le flic de toute à l’heure à été en contact avec des personnes porteuses. et merde. j’écope de quatorze jours de mise en quarantaine. le message que je reçois m’informe que je peux quand même finir ma journée de travail isolé dans mon wagon pour toucher ma paye journalière. ils sont sympa quand même.

Pauline Reclus