Pain de mie

Ca avait commencé comme ça.

Une soi-disant épidémie venue d’ailleurs, puis une « pandémie » mondiale comme ils disent.

Combien même c’était vrai, ici on était pas impacté.

C’était un printemps resplendissant dans notre village tranquille.

Et du jour au lendemain, il était interdit de sortir de chez soi, hormis pour des motifs, d’achats de produits de premières nécessité alimentaire ou de marcher 1h à 1km de rayon et avec une attestation dérogatoire à remplir par soi-même avec les mentions suivantes ; décliner son identité -son lieu et date de naissance-, cocher le motif de la sortie, indiquer la date et l’heure, apposer sa signature sous peine d’une contravention sévère.

Pendant 60 jours nous avons obéi, nous privant de tout contact physique humain, sortant et nous hâtant pour ne pas rencontrer les suppôts de l’état –armée qui guettent le moindre badaud par d’incessantes routines en voiture balisée jour et nuit. Quelquefois ils se trouvaient à 4 autour d’un homme, ne respectant pas le geste barrière de 1m de « distanciation sociale » et sans masque.

Et puis un soir, le président annonce que ce qu’ils ont appelé « le confinement » allait progressivement se défaire, les écoles, les marchés allaient rouvrir, mais il fallait garder les gestes barrières, voire porter un masque alors qu’il n’y en avait pas à la disposition de la population.

Les médias encouragent les gens à télécharger une application sur leur smartphone pour une attestation électronique, fabriquer eux-mêmes leur masque. Ils devaient ainsi garder leur appareil sur eux docilement géolocalisables lors de leur déplacement ; déjà qu’ils avaient l’habitude de ne plus vivre sans.

Les personnes sans téléphone-mouchards continuaient de remplir des attestations pour les motifs initiaux, restreignant grandement leur liberté de mouvement et de vie sociale.

Le port du masque était alors devenu courant et ceux qui n’en portaient pas ou avaient refusé le test ADN de dépistage étaient regardés de travers, on les évitait, on les appelaient les «contaminants ». Les caméras de plus en plus nombreuses au tournant des petites rues les traquaient.

Se faire à cette nouvelle normalité ; les rassemblements de plus de 20 individus étaient interdits pour un durée indéterminée.

Et pourtant depuis la nuit des temps, l’humanité avait connu tant d’hypocrisie de la part des gouvernements en matière de gestion de crise sanitaire laissant toujours « les indésirables » mourir.

A présent que la science s’affirmait comme la seule parole fiable à écouter, ses technologies dérivées se vendaient à merveille, les humains n’avaient vraiment plus besoin de sortir ni de se réunir, se soumettant aux réseaux sociaux en ligne, au télétravail, au vélo d’appartement et à la gonflette. Le monde virtuel surpassait en commodité la vie dans l’environnement dit naturel.

De toute façon, il ne faisait pas bon mettre le nez dehors, on pouvait faire une mauvaise rencontre.

« La Nature », transformée en « sanctuaires » privés, pouvait enfin se régénérer sous les yeux ébahis des trafiquants et des rois de la terre qui avaient mis main basse sur elle.

La belette