A quel moment on a perdu ?

Après le Grand Confinement, ça a chauffé. Oh ça oui, quand ils ont renvoyé les gens au turbin, ça a chauffé comme jamais. Pichenette les gilets jaunes à côté.

Faut dire que pas grand monde avait envie de retourner bosser comme ça. Pas tant pour les nouvelles conditions de travail de la Grande Reconstruction, le gouvernement savait manier la carotte avec des jolies primes. Mais c’est que les gens, ben ils flippaient du virus. Puis il y en avait pas mal qui avaient bien aimé rester confiné à la maison. Pas de rester enfermé chez eux, ha ça non. Mais de pas aller au boulot. Même dans les boîtes où ça reprenait, les grèves ont commencé : ici pour réclamer des primes, là des masques, ailleurs pour le licenciement d’un collègue.

Alors ils ont rendu le boulot obligatoire et ils ont envoyé les flics, pour le bien de la nation qu’ils ont dit. On a jamais vu ça. C’était la révolution, tout le monde le disait. Des barricades partout, les quartiers interdits aux flics, les usines occupées. Le gouvernement à même démissionné. Et c’est Roblochon qu’a prit les rennes. Il avait su galvaniser les foules pendant les émeutes, on avait eu l’impression qu’il disait avec les mots justes notre colère. Même moi j’y croyait.

Et ça a été le Grand Programme. Relocalisation des productions nécessaires, transition écologique, améliorations sociales à tout va. Alors les gens sont retournés au boulot. Fervent partisan de la thèse du Grand Complot, Roblochon lança une traque féroce contre tout ceux qui avaient profité de près ou de loin de la crise en leur faisant porter le chapeau de l’épidémie. Des patrons, des politicards, qu’il remplaça par des potes à lui. Il mit même le professeur Out au ministère de la santé.

Et c’est redevenu comme avant. Ou presque. A quel moment on a perdu ? Je ne sais plus.

Ay Miles